L’eucharistie comme action de grâces
J’aime partager le repas du Seigneur. J’aime ce moment, que ce soit dans un grand ou un petit rassemblement. J’aime qu’il soit célébré dans un moment calme de réflexion ou avec une louange animée. J’aime recevoir la Sainte communion à genou devant l’autel, debout les mains ouvertes ou en passant les éléments à chaque personne de l’assemblée. J’aime être à la table ouverte qui accueille tous ceux qui ont faim de connaître le Christ et de le recevoir dans les espaces les plus profonds de leur vie. Cependant, je n’ai pas toujours connu cette même expérience lors de ce repas.
Quand j’étais enfant, mon église célébrait l’eucharistie une fois par trimestre. Je me souviens que ces cultes étaient particulièrement sombres et très différents de mon expérience lors de nos rassemblements hebdomadaires. À ce jeune âge, je ne me réjouissais par de recevoir la communion et je comprenais que cette invitation était réservée aux adultes. Par contre, en toute innocence (la plupart du temps) je profitais du surplus de jus de raisin trouvé dans le réfrigérateur de l’église. Je n’avais pas fait le lien entre la Sainte Cène lors des cultes et ce trésor inespéré de jus de raisin. Alors sans que mes parents le sache, je me servais régulièrement pour goûter aux joies sucrées de ce nectar !
Il me fallut du temps pour passer des bienfaits temporaires du réfrigérateur de l’église à une compréhension et un désir de connaître les grands dons offerts par Dieu à son peuple par la participation à la Communion. Le premier changement arriva lorsque je commençai mes études au séminaire. J’étudiais dans un institut de théologie qui me faisait grandir, me remettais en question et allait parfois jusqu’à me déranger. Là, je découvris des rassemblements hebdomadaires pour célébrer le repas du Seigneur ; ces moments devinrent un lieu important de refuge pour moi et pour d’autres. Durant ces cultes, qui m’accordaient un répit par rapport aux défis intellectuels et émotionnels des salles de cours, notre foi était affirmée et proclamée. À ces moments, nous étions invités à parler comme un seul peuple, disant : « Le Christ est mort, le Christ est ressuscité et le Christ revient bientôt. » On nous rappelait le grand amour de Dieu démontré par les bras ouverts de Jésus. Nous entendions l’invitation de Jésus qui appelait ses disciples à se rassembler, se souvenir, rendre grâces, recevoir et qui les envoyait dans le monde. Ces rassemblements simples, courts et hebdomadaires étaient pour moi un lieu de grâce et de respiration au milieu d’un désert théologique.
Le mot eucharistie—eucharisteo en grec—implique que le repas de la Communion et un repas de reconnaissance.[1] Le festin de la Communion ressemble aux expériences les plus excellentes que nous pourrions connaître de communion autour d’une table. Pensez à un rassemblement joyeux où vous avez ressenti l’amour profond de votre hôte ; vous vous êtes assis à une table remplie de plats que votre corps désirait ardemment et entouré de personnes avec qui vous vous sentiez accepté. Les parfums, les rires et les vies partagées font profondément écho au festin d’amour, de renouveau et de grâce profonde qu’est la Communion. Généralement dans une liturgie formelle de Communion, l’entrée dans ce moment commence en prononçant « la grande action de grâces » qui affirme : « il est juste et bon de rendre grâces et louange à Dieu. »[2] Que nous suivions un texte formel ou informel, je crois qu’il est important que nous prenions un moment pour rendre grâces.
Lorsque nous verbalisons nos remerciements à Dieu, ce hiatus nous donne une opportunité de nous éloigner de l’agitation de la vie pour considérer de façon nouvelle la largeur et la profondeur du don que nous commémorons et recevons. Cet espace de respiration nous invite ensuite à recevoir la grâce de Dieu avec des cœurs reconnaissants au milieu de préoccupations présentes et des angoisses futures (personnelles, familiales, communautaires et du monde). Dans l’eucharistie, Dieu vient à notre rencontre par sa grâce rédemptrice qui soutient et transforme. À la table de la Communion, nous déclarons : « Voici ton Dieu avec ses bras ouverts. Il t’invite à venir et à être renouvelé, restauré et à recevoir un nouveau récit. Voici le grand récit de la rédemption dans lequel tu es invité à participer avec la promesse sûre du royaume de Dieu à venir. »
Pour entrer pleinement dans la joie de la Communion, il est également vital que nous confessions les façons dont nous « n’avons pas aimé Dieu de tout notre cœur, notre esprit et notre âme et nous n’avons pas aimé notre prochain comme nous-mêmes. »[3] Lorsque nous reconnaissons la véritable profondeur de notre besoin et recevons grâce si nécessaire, notre gratitude ne fait qu’augmenter. Au lieu de venir à Dieu comme le pharisien de la parabole qui remercie Dieu avec un sentiment d’orgueil autoproclamé, nous venons comme le collecteur d’impôts qui reconnaît avoir besoin de miséricorde (Luc 18.9-14). Rendre grâces ne signifie pas faire l’impasse sur l’admission de vérités brutales dans nos vies et dans notre monde. Au lieu de cela, une véritable action de grâces nous invite à amener toutes ces réalités à la croix. Notre transparence et notre reconnaissance profonde. Dans ce puits profond et toujours renouvelé de gratitude, non seulement nous sommes rétablis par l’amour, la grâce et la rédemption de Dieu mais nous sommes aussi envoyés de nouveau pour vivre dans le monde et dans nos communautés en tant que peuple à nouveau rempli de la grâce de Dieu pour pratiquer la justice, aimer la miséricorde et marcher humblement avec notre Dieu (Michée 6.8).
En tant qu’ancien ordonné, je sers parfois la Communion à certaines personnes. Pendant ces moments, je constate que partager la grâce de Dieu est particulièrement significatif, connaissant certains des récits de joie, de douleur, de guérison et de maladie des personnes de l’assemblée. Dans tous les lieux où je n’ai pas de réponse facile et une sagesse humaine limitée, je peux par la foi offrir ce moyen de grâce : « prenez et mangez » … « prenez et buvez-en tous ». Et je sais que cette participation à la table du Seigneur est véritablement et finalement suffisante. Dans ces moments pleins d’émerveillement et de mystère, j’ai souvent à l’esprit une image du Christ qui remplit les participants de sa présence comme l’eau renouvelle le voyageur dans le désert. La grâce de Dieu atteint des lieux où la guérison est désespérément désirée ainsi que des lieux où ils ne savent peut-être même pas qu’un besoin existe.
Lorsque la Communion m’est donnée, je suis toujours assoiffée, désireuse de recevoir le corps et le sang de notre Seigneur Jésus-Christ.
Grâce sur grâce est une excellente phrase pour décrire la Communion. C’est à ce saint festin que je cours dans toutes les saisons de ma vie. L’évangile de Jean évoque la vie qui nous est offerte : « Et la Parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père… et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce sur grâce » (Jean 1.14-16) Comment pourrions-nous ne pas exprimer une profonde gratitude pour le sacrement auquel le Christ nous a appelés en tant que disciples ? La grande joie d’un repas de grâce sur grâce est magnifiquement exprimée dans les premières lignes de « l’hymne à la joie » :
« Joyeux, joyeux nous t’adorons,
Dieu de gloire, Dieu d’amour ;
Nos cœurs s’ouvrent tels des fleurs devant toi,
S’ouvrant au soleil dans les cieux.
Chasse les nuages du péché et de la tristesse,
Bannit les sombres nuages du doute ;
Auteur d’une joie immortelle,
Emplis-nous de ta lumière ![4]
Mary Paul est vice-présidente de la vie étudiante et de la formation à Point Loma Nazarene University